dimanche 25 janvier 2015

Voltaire


Le temps n’est pas si lointain, où dans toutes les écoles françaises, les écoliers avaient la chance d’être initiés à l’esprit des Lumières, par la lecture d’extraits d’un des contes de Voltaire : “Candide”, “Zadig” ou “Micromégas”... 
Les instituteurs avaient l’art d’introduire une réflexion sur la condition humaine, par la critique sociale, religieuse et morale effectuée par Voltaire.

Non seulement l’étude des textes voltairiens est dorénavant rare dans l’enseignement primaire, illustration de la déculturation des petits Français, mais il devient de bon ton d’insister sur les travers - réels et surtout imaginaires - de Voltaire :
- “Esclavagiste”, “Homophobe”, “Antisémite”, “Raciste”...

Pfffff 
Tout est bon de nos jours pour dénigrer et diaboliser les grands hommes !
(Et tous y passent : Gandhi... Le Dalaï-lama... Le Dr. Schweitzer... Pierre Rhabbi... Alexis Carrel, Henri- Charles Geffroy, Voltaire... ainsi d'ailleurs que tous les grands esprits français : Bossuet et même Condorcet et Montesquieu ! :/ ) 

Depuis quelques années en effet plusieurs terribles procès sont faits à cet icône de “l’esprit des Lumières”, Voltaire !

Des accusations à nuancer évidemment très fortement :)

“Ange” ou “démon” ce cher Monsieur de Voltaire ? 
Ni l’un ni l’autre évidemment .... 
Juste un être humain.
Un être humain avec quelques petits défauts bien de son temps ; mais aussi les immenses qualités d’un esprit libre, chantre de la tolérance et de l’anti-fanatisme !

Un fanatisme qui semble resurgir de nos jours, non pas dans de lointaines contrées “djihadhistes”... mais en France, le fameux pays des Lumières, le pays de Voltaire !

A l’ère de la communication mondiale et des “réseaux sociaux”, on aurait pu espérer au moins un peu plus de culture et de sagesse qu’à l’époque de Voltaire ; mais quelle tristesse de constater plutôt une sorte de nivellement par le bas, où s’entremêle allègrement inculture, bêtise, arrogance... et fanatisme moraliste !!!

https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=354267001443645&id=100005810439922


Voltaire... sa lumière assombrie ?
(Publié dans "La Lettre de l'Agnvs" de décembre 2014...
Et sur ma page Facebook :D)

“Ange” ou “démon” ce cher Monsieur de Voltaire ?
Ni l’un ni l’autre évidemment ....
Juste un être humain.
Un être humain avec quelques petits défauts bien de son temps ; mais aussi les immenses qualités d’un esprit libre, chantre de la tolérance et de l’anti-fanatisme !
Un fanatisme qui semble resurgir de nos jours, non pas dans de lointaines contrées “djihadhistes”... mais en France, le fameux pays des Lumières, le pays de Voltaire !

A l’ère de la communication mondiale et des “réseaux sociaux”, on aurait pu espérer au moins un peu plus de culture et de sagesse qu’à l’époque de Voltaire...
Mais quelle tristesse de constater plutôt une sorte de nivellement par le bas, où s’entremêle allègrement inculture, bêtise, arrogance... et fanatisme moraliste !!!

Voilà donc la réponse de notre rédac'chef Patrick Cadet-Geffroy (alias "Daneel Olivaw") :

- “Esclavagiste”, “Homophobe”, “Antisémite”, “Raciste”...
Pfffff Tout est bon de nos jours pour dénigrer et diaboliser les grands hommes !
Tous y passent : Gandhi... Le Dalaï-lama... Le Dr. Schweitzer... Pierre Rhabbi... Alexis Carrel, Henri- Charles Geffroy...
Et même notre grand Voltaire !
(Ainsi d'ailleurs que tous les grands esprits français : Bossuet et même Montesquieu ! :/ )

Depuis quelques années en effet plusieurs terribles procès sont faits à cet icône de “l’esprit des Lumières”.
Des accusations à nuancer évidemment très fortement !...

Le temps n’est pas si lointain, où dans toutes les écoles françaises, les écoliers avaient la chance d’être initiés à l’esprit des Lumières, par la lecture d’extraits d’un des contes de Voltaire : “Candide”, “Zadig” ou “Micromégas”...
Les instituteurs avaient l’art d’introduire une réflexion sur la condition humaine, par la critique sociale, religieuse et morale effectuée par Voltaire.

Non seulement l’étude des textes voltairiens est dorénavant rare dans l’enseignement primaire, illustration de la déculturation des petits Français, mais il devient de bon ton d’insister sur les travers - réels et surtout imaginaires - de Voltaire...

Ben non.... Même pour son époque, Voltaire était certes critique, très critique...
Mais pas raciste, ni misogyne, ni homophobe, ni islamophobe, ni ni ni... (!)

Faisons donc un petit tour d’horizon :

Raciste notre bon Voltaire ?

L’accusation repose sur l’affirmation de Voltaire de races entièrement différentes.
Certes, la génétique contemporaine montre l’erreur d’une telle affirmation, puisque l’existence de races n’a aucun fondement scientifique ; pour autant Voltaire ne montre là aucune hiérarchisation des races, fondement véritable du racisme. Il n’observe que “différences entre races” (Étonnant d’y voir là un crime, alors qu’aujourd’hui un culte à toute différence entre les individus ou les cultures est érigé (et à juste titre !))...
Éloges à la différence bienvenues aujourd’hui ... mais les différences évoquées par Voltaire ne seraient- elles pas acceptables ? Rappelons que le terme “race” était à l’époque synonyme de “groupe humain”...
(Et il y a seulement quelques décennies c’était encore le cas !!!)
Tout part en fait de cette affirmation évidemment encore une fois sortie de son contexte global et intentionnel :
« Il n’est permis qu’à un aveugle de douter que les blancs, les nègres, les albinos, les Hottentots, les Lapons, les Chinois, les Amériques ne soient des races entièrement différentes »
Depuis quand “différent” est-il une échelle de valeur ?
Faut-il donc être tous identiques pour être égaux ?
Quand au mot “nègre”, il faut quand-même éviter “l’anachronisme”, et se remettre donc ici à l’époque de
Voltaire, en faisant abstraction de la nôtre, qui a connu tant et tant de galvaudage tant de sa langue que de son esprit...
N’oublions pas, par exemple, que la sublime Joséphine Baker est devenue célèbre au début du siècle dernier en se produisant dans une revue qui s’intitulait ... “la revue nègre” ! (Étymologiquement, ce mot est emprunté à l’espagnol « negro » = « noir ; Homme à la peau noire, originaire d’Afrique »)...
Contrairement donc au sens actuel, ce terme n’était pas péjoratif et ne comportait pas alors de connotation raciste !


Misogyne notre bon Voltaire ?

Certes les considérations voltairiennes sont bien approximatives et superficielles, décrivant la femme comme “plus douce”, “moins forte”, “moins musclée”, “moins capable de longs travaux que les hommes”, même s’il ne cache pas qu’il existe des exceptions...
Mais franchement, y voir là “haine” ou “mépris des femmes”, relève du procès d’intention le plus malveillant !


Homophobe notre bon Voltaire ?

Voltaire a-t-il donc dit ou écrit ne pas vouloir que les homosexuels vivent librement leur sexualité ?
Dans le cas contraire il n’est pas homophobe.
D’ailleurs n’a-t-il pas fréquenté Frédéric II de Prusse qui revendiquait son homosexualité...
En fait, Ceux qui l’accusent ainsi “d’homophobie” ne font reposer cette accusation que sur les sensations de dégoût et d’infamie qu’inspiraient certaines pratiques homosexuelles à Voltaire. Les personnes ressentant du dégoût vis-à-vis de ces pratiques homosexuelles doivent-elles alors être forcément considérées comme homophobes ? Éprouver du dégoût à l’idée de manger du chien ne fait pas d’une personne un sinophobe ; éprouver du dégoût à l’idée de manger des grenouilles ne fait pas de vous un francophobe. Les personnes n’ayant pas de pratiques homosexuelles n’ont au minimum aucun goût pour cette pratique, sinon pourquoi ne les effectueraient-elles pas ? Cette absence de goût, pouvant varier de l’indifférence au dégoût, ne peut être considérée comme un marqueur d’homophobie. Le dégoût ressenti par Voltaire lui fait voir l’homosexualité comme une pratique sale, honteuse d’où le terme d’infamie qu’il utilise.

Il ne faut pas confondre le dégoût pour une pratique avec le dégoût généralisé pour une personne effectuant cette pratique ! Par exemple, le dégoût pour la consommation de viande n’est pas du même ordre que le dégoût ressenti vis-à-vis d’un mangeur de viande (!)...


Islamophobe notre bon Voltaire ?

Dans sa pièce “Le fanatisme ou Mahomet” (rédigée en 1736, jouée à Lille puis à Paris en 1741 et 1742), Voltaire juge le Prophète en des termes qui semblent effectivement d’une extrême violence. Au fil des dialogues, Mahomet est appelé “monstre”, “imposteur”, “barbare”, “Arabe insolent”, “brigand”, “traître”, “fourbe”, “cruel”... avec pour finir le verdict sans appel de cet alexandrin :
“Et de tous les tyrans c’est le plus criminel.”
Sur scène, Mahomet ourdit la tentative d’assassinat de son principal rival en manipulant un jeune disciple ; un épisode inventé. Dans une lettre au roi de Prusse, Voltaire parle de Mahomet comme d’un homme “qui égorge les pères” et “ravit les filles”. C'est un “Tartuffe les armes à la main”. Le Coran ? Un “livre inintelligible, qui fait frémir le sens commun à chaque page”...

Voilà donc qui suffirait à ranger notre icône des Lumières dans la catégorie des “islamophobes” ?
Ben non : ANACHRONISME là encore !!!...
Puisque le mot est de notre époque, non de la sienne ! On est loin des discours sur la tolérance, certes... Reste que, comme dans le cas des piques antijudaïques, Voltaire cible en filigrane les fanatiques catholiques : “L’islam n’intéressait personne à l’époque, c’était juste une façon de critiquer la religion catholique par des
voies détournées... et éviter ainsi la tatillonne censure !”
Derrière les affirmations hyperboliques de monstre ou de barbare à l’égard d’un chef qui n’usait après tout, que de pratiques en vigueur dans toutes les contrées de l’époque (Mahomet était alors aux yeux des Occidentaux une sorte de “tyran” et “brigand” qui avait imposé une société musulmane par la force et pratiquait la razzia...), Voltaire visait surtout à dénoncer le fanatisme, en utilisant “l’épouvantail” que représentait alors pour ses contemporains occidentaux l’essor guerrier de l’Empire musulman...

On aurait bien tort de s’en tenir là. Car Voltaire s’adoucira.
Eh oui : plus tard, notamment dans l’“Essai sur les moeurs et l’esprit des nations”, de 1756, il change ses jugements, au point de devenir élogieux envers le monde musulman, de voir en l’islam une religion sage et austère, d’insister sur ses aspects philosophiques et tolérants...
S’attachant davantage au personnage de Mahomet, Voltaire atténuera donc très sérieusement ses critiques envers l’islam, apercevant dans le monothéisme musulman une conception plus rationnelle que celle de la trinité chrétienne (ce qui rejoint davantage la conception déiste de Voltaire)...

Pour autant, il préfère un Confucius à un Mahomet :
« Le premier des mortels qui n’ont point eu de révélation ; il n’emploie que la raison,... et non l’épée » !...

On ne saura oublier que c’est sans doute moins l’islam qui l’intéresse que l’usage qu’il peut en faire contre le catholicisme !!!... Certains expliquent ainsi la plupart des “violences voltairiennes” :
- Ne pensant qu’à “écraser l’infâme” (le fanatisme, incarné alors par l’Église et le clergé), le philosophe ferait feu de tout bois. S’il attaque tant les juifs, c’est pour mieux fustiger un certain fanatisme des chrétiens qui se réclament de l’Ancien Testament... S’il dénonce la violence de Mahomet, c’est en visant celle des chrétiens, et s’il loue la tolérance musulmane, c’est pour mieux dénoncer le fanatisme de la religion chrétienne :
“La plus ridicule, la plus absurde et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde”, écrit-il à Frédéric II de Prusse en 1767 (!)...


Antisémite notre bon Voltaire ?

Certains passages de Voltaire sont aujourd’hui insoutenables, notamment quand il qualifie les Juifs de “peuple le plus abominable de la terre”. Ou quand il raconte que, dans l’Antiquité, c’était un clan de “voleurs vagabonds”, qui “égorgeait sans pitié tous les habitants d’un malheureux petit pays sur lequel il n’avait pas plus de droit qu’il n’en a sur Paris et sur Londres”...

Mais attention de ne pas tomber dans le piège de l’anachronisme !!!

Comme nous l’avons vu plus tôt avec ces diatribes contre le fanatisme musulman, ces accents “antijudaï- ques” ne doivent pas être interprétés comme de l’antisémitisme.
A travers ces charges outrancières, il vise bel et bien la religion catholique, dont le judaïsme est la source historique. “Il en veut aux juifs d’être à l’origine de ce tissu de mensonges qu’est selon lui la Bible”, explique l’historien Pierre Milza, auteur d’une volumineuse biographie (Voltaire, éditions Perrin).

Pour l’écrivain, les miracles de Moïse, comme ceux de Jésus, sont des fables de charlatan.
Mais à aucun moment il ne justifie les persécutions !
Bien au contraire. Il ne cesse de dénoncer les pogroms, à commencer par la barbarie des croisades, quand 200.000 fanatiques catholiques traversèrent l’Europe, au Moyen Age, en exterminant des juifs !...

“Les chrétiens, croyant venger Dieu, firent main basse sur tous ces malheureux”, déplore Voltaire.
“Il n’y eut jamais, depuis Hadrien, un si grand massacre de cette nation : ils furent égorgés à Verdun, à Spire, à Worms, à Cologne, à Mayence. Et plusieurs se tuèrent eux- mêmes, après avoir fendu le ventre à leur femme, pour ne pas tomber entre les mains de ces barbares.” (!)...

Voltaire n’était donc ni anti-musulman ni anti-juif ni même anti-chrétien... Il n’aimait juste pas les fanatismes religieux, quels qu’ils soient : chrétiens, juifs, musulmans, etc. Voilà qui ne fait guère de doute...

Voltaire ignore bien évidemment l’antisémitisme de persécution raciale, qui apparaîtra une centaine d’années après sa mort avec les doctrines “biologisantes” inventées et développées au cours du XIXe siècle !...


Esclavagiste notre bon Voltaire ?

Face à une telle charge “anti-chrétienne” (en vérité comme nous l’avons vu “anti-fanatisme religieux”)... Voltaire a été aussi accusé de bien d’autres tares et ignominies - afin de le “décrédibiliser” pour se redonner bonne conscience -... comme par exemple d’avoir amassé son immense fortune grâce à la traite négrière ! Infamie qu’il fut pourtant l’un des premiers à dénoncer ouvertement !!!...

En réalité, aucun document ne permet de l’affirmer.
“Il a fait des affaires avec des négociants, lesquels, de leur côté, ont pu faire du commerce lié à l’esclavage, explique Pierre Milza... Mais il n’a jamais, jamais été impliqué directement dans la traite négrière” !...


Il faut souligner la grandeur de Voltaire !!!

S’il repose au Panthéon depuis 1791, ce n’est ni par hasard ni par erreur.
Il est bien le premier - avant Zola, Sartre, Aron et tant d’autres - qui inventa la figure moderne de l’intellectuel, conscience libre au service des idéaux de justice, de tolérance et de liberté.
Avant lui, aucun homme d’idées et de plume n’avait jamais fait rapporter une décision de justice contraire à la dignité et à l’humanité.

L’affaire Calas, l’affaire Sirven, celle du chevalier de La Barre furent pour le philosophe de grandes batailles, de belles victoires.
Voltaire a pris des risques, il a consacré à ces hautes luttes du temps et des forces, sans en attendre aucun profit.

Quand il se lance dans ces combats, l’écrivain a passé la soixantaine, il a fait fortune, assis sa notoriété dans toute l’Europe. Il ne se bat pas pour sa gloire, mais pour des principes universels !...

En 1758 lorsque Voltaire, âgé de 65 ans, acquit la seigneurie de Ferney, il déclara avoir trouvé un “hameau misérable” où il fit construire, suivant de près le chantier, la demeure de ses dernières années...
De cette retraite éloignée, il s’enflamma contre l’injustice de la société et prit la défense des victimes de l’intolérance politique et religieuse.
Investi des principes philosophiques qui ont nourri l’esprit du siècle des Lumières, tour à tour urbaniste, entrepreneur et mécène, il transforma la seigneurie de Ferney : marais asséchés, construction de maisons, pavage des rues, fontaine publique, développement de l’artisanat, construction d’une nouvelle église (!)...

Le hameau de quelques habitants devint, et pour longtemps, une cité prospère d’un millier d’âmes...
Attentif à l’agronomie et mettant en pratique son fameux « il faut cultiver son jardin » (“Candide”)... Voltaire a transformé les terres et les dépendances agricoles du domaine en introduisant les techniques les plus modernes dans l’agriculture.
Il a procédé de même en transformant le bourg, modernisant l’artisanat avec par exemple une manufacture de faïence....

(De 1758 à 1778, Voltaire y développa le modèle d’une cité idéale. Il fit non seulement construire une centaine de maisons, une église, une fontaine... mais créa aussi des foires et des marchés, prêta de l’argent aux communes voisines et subvint même à l’alimentation des habitants pendant la famine de 1771 !...)

Il y menait également une vie sociale intense, recevant l’élite de toute l’Europe et menant ses grands combats pour la liberté comme dans l’affaire Calas...
Ou moins connu son intervention dans l’émancipation des serfs du Haut-Jura de l’abbaye de Saint-Claude...
Il donne des représentations théâtrales au château et reçoit également beaucoup. Son château devint le passage obligé de l’élite intellectuelle européenne...

Ses invités viennent de toute l’Europe des Lumières !...
C’est à Ferney que Voltaire écrivit de nombreuses œuvres comme son “Dictionnaire Philosophique” ou le “Traité sur la Tolérance”... et quelques 6000 lettres !!!
Elle est réelle, et son courage n’est pas une fable.


Et n’oublions pas sa si fameuse citation apocryphe, puisqu’en fait elle provient de l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall, qui en 1906, résumant la pensée de Voltaire (*), écrivit : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire ! »...

(*) Elle ne figure certes dans aucun écrit de Voltaire mais on peut la repérer dans cette phrase, extraite d’une de ses si nombreuses lettres, qu’il adressa le 6 février 1770 à l’abbé Le Riche (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963) : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire... »

En fait, mea culpa, cela non plus n'est pas exact (!) ...
On peut lire par exemple dans la page wiki consacrée à Evelyn :
- Dans son « The Friends of Voltaire », Evelyne Beatrice Hall a tenté ainsi de résumer la pensée de Voltaire, notamment au moment de sa prise de position dans l’affaire Helvétius, l’un des philosophes qui contribua à L’Encyclopédie.

Son livre, « De l’Esprit », irrite profondément Voltaire – il qualifie le texte de « fatras d’Helvétius » dans une lettre à de Brosses du 23 septembre 1758, citée par Gerhardt Stenger – mais lui apporte son soutien face aux attaques virulentes dont il est victime après la parution de son ouvrage...
Dans ce contexte, la phrase prêtée à Voltaire n'est donc pas trahir sa pensée ! :)

- Celles et ceux qui ont décerné cette citation à Voltaire, et l’ont copieusement répandue sous son nom (nous dit encore le site du "Projet Voltaire"), se basent sur une lettre datant du 6 février 1770. Voltaire se serait adressé à l’abbé Le Riche en ces termes : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » Si l’existence de cette missive a été avérée, la phrase n’y figure pas, ni même l’idée ! C’est ce qu’on appelle une citation « apocryphe », dont l’authenticité n’est pas établie.

Mais alors, à qui la faute ?
Pas à Rousseau, ni à Voltaire lui-même, comme dans la chanson de Gavroche, mais à l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall qui, dans un livre, The Friends of Voltaire, publié en 1906 sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre, utilisa la célèbre formule pour résumer la pensée voltairienne. Elle confirmera par la suite que c’était sa propre expression et qu’elle n’aurait pas dû être mise entre guillemets. Qu’elle soit due à la maladresse de l’auteur ou de l’éditeur, la citation a été rapidement traduite en français avant de connaître le succès que l’on sait. :)
Si la devise n’est pas de Voltaire, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre sa philosophie, telle qu’elle paraît notamment dans ses Questions sur l’Encyclopédie !...

Et le site "Le guichet du savoir" est encore plus précis :
- Certains commentateurs (Norbert Guterman, A Book of French Quotations, 1963), prétendent que cette citation est extraite d'une lettre du 6 février 1770 à un abbé Le Riche où Voltaire écrirait : « Monsieur l'abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » En fait, cette lettre existe mais la phrase n'y figure pas, ni même l'idée. Le Traité de la tolérance auquel est parfois rattaché la citation ne la contient pas non plus.
De fait la citation est absolument apocryphe (elle n'apparaît nulle part dans son œuvre publiée) et trouve sa source en 1906, non dans une citation erronée, mais dans un commentaire de l'auteure britannique Evelyn Hall, dans son ouvrage The Friends of Voltaire, où, pensant résumer la posture de Voltaire à propos de l'auteur d'un ouvrage publié en 1758 condamné par les autorités religieuses et civiles, elle écrivait « “I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it” was his attitude now » (« “Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je défendrai jusqu'à la mort votre droit de le dire” était désormais son attitude » .
Les guillemets maladroitement utilisé par Evelyn Hall ont été interprétés comme permettant d'attribuer la déclaration à Voltaire.
En 1935, elle déclara « I did not intend to imply that Voltaire used these words verbatim, and should be much surprised if they are found in any of his works » (« Je n'ai pas eu l'intention de suggérer que Voltaire avait utilisé exactement ces mots, et serais extrêmement suprise qu'ils se trouvassent dans ses œuvres »).

L'affaire à propos de laquelle Evelyn Hall écrivait concernait la publication par Helvétius en 1758 de De l'Esprit, livre condamné par les autorités civiles et religieuses et brulé. Voici ce que Voltaire écrivait (dans l'article « Homme » de Questions sur l'Encyclopédie) :
« J'aimais l'auteur du livre De l'Esprit. Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n'ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu'il débite avec emphase. J'ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l'ont condamné pour ces vérités mêmes. » "

Nous trouvons bien cette citation dans les pages numérisées du "Dictionnaire philosophique"
Œuvres completes de Voltaire, Volume 41 , édition 1784

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Sources :
 http://lepoint.fr/livres/la-face-cachee-de-voltaire-02-08-2012-1494397_37.php http://m.lexpress.fr/antisemite-islamophobe-esclavagiste-voltaire_909208.html http://www.gralon.net/tourisme/a-visiter/info-chateau-de-voltaire-ferney-voltaire-7939.htm http://www.ain-tourisme.com/decouvrir-l-ain/les-4-pays-de-l-ain/pays-de-gex/ferney-voltaire.html http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Château_de_Ferney-Voltaire http://bibliodroitsanimaux.voila.net/Renan-Larue-Le-vegetarisme-dans-l-oeuvre-de-Voltaire.pdf
http://fr.m.wikipedia.org/wiki/Evelyn_Beatrice_Hall
http://www.projet-voltaire.fr/blog/actualite/voltaire-na-jamais-dit-je-ne-suis-pas-daccord-avec-vous-mais-je-me-battrai
http://www.guichet-du-savoir.org/viewtopic.php?f=2&t=41546&p=78040&hilit=jamais&sid=6b73fd5fac9811cee6d834603a4503a3)


Bref...
En résumé :
Retenons de Voltaire, quelle que fut sa personnalité réelle ou imaginée (!), son authentique combat pour la tolérance... et contre la cruauté !


N’oublions pas non plus son combat pour le respect de la vie..
De toute vie... y compris animale !
“Qu’y a-t-il de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ?” s’interroge en effet Voltaire en 1772, faisant aussi l’éloge de “cette admirable loi par laquelle il est défendu de manger nos semblables”...



Le philosophe consacre depuis plusieurs années déjà des pages au sort des animaux dans son oeuvre.
A ce propos d’ailleurs...
Nul n’aurait soupçonné Voltaire de se faire le zélateur et théoricien du végétarisme. Ces passages épars n’en constituent pas moins un corpus homogène. Le problème de la responsabilité des hommes dans la souffrance des bêtes rejoint chez lui des préoccupations philosophiques plus larges et plus anciennes, à commencer par le problème du mal.

Dans son livre “Pensées végétariennes” tout récemment publié par Fayard, Renan Larue réunit pour la première fois ses plaidoyers en faveur de la cause animale.
Le premier auteur, en 1981, à consacrer un article à la question du « végétarisme voltairien » est Renato Galliani. Il affirme que Voltaire, au moment de son installation à Ferney, était devenu végétarien par « conviction philosophique » (attribuant à un ouvrage de Porphyre l’origine de cette conversion) :


« Il ne leur manque que la parole :
S’ils l’avaient, oserions-nous les tuer et les manger ?
 Oserions-nous commettre ces fratricides ?
Quel est le barbare qui pourrait faire rôtir un agneau, si cet agneau nous conjurait par un discours attendrissant de n’être point à la fois assassin et anthropophage ?
Il n’est que trop certain que ce carnage dégoûtant, étalé sans cesse dans nos boucheries et dans nos cuisines, ne nous paraît pas un mal, au contraire, nous regardons cette horreur, souvent pestilentielle, comme une bénédiction du Seigneur et nous avons encore des prières dans lesquelles on le remercie de ces meurtres.
Qu’y a-t-il pourtant de plus abominable que de se nourrir continuellement de cadavres ? »



http://2013-continuum.blogspot.fr/2011/04/le-sommaire-spatio-temporel-de-2013.html

3 commentaires:

  1. Voltaire ne serait qu'un "salaud" ?
    C'est ce que Marion Sigaut semble croire, et pire encore démontrer :(

    Mais si ce qu'elle et ses thuriféraires (!), disent des Lumières semble effectivement dûment sourcé, ce n'est là qu'apparences trompeuses ; car ces historiens idéologistes orientent bien trop leurs informations pour pouvoir faire passer un message vraiment convaincant :
    Ils ne disent des Lumières que ce qui les arrangent et prennent bien soin d'éluder tout ce qui pourrait venir déstabiliser leur argumentation.

    Par exemple, Marion Sigaut caricature complètement la dissension entre les jésuites et les jansénistes ; elle réduit ça à une lutte manichéenne entre le bien d'un côté (les jésuites) et le mal de l'autre (les jansénistes).
    La réalité était autrement plus compliquée, les jansénistes ont subi leur lot de désagréments de la part des jésuites, si bien que Blaise Pascal a pris leur défense (Cf. "Les Provinciales").

    Elle caricature aussi les tensions entre les magistrats du Parlement de Paris et le pouvoir royal. Pour bien comprendre la nature de cette lutte intestine, il est nécessaire de rappeler que les magistrats étaient des nobles, car à la base (depuis Clovis en fait), le roi est un guerrier (= noble / aristocrate) élu par ses pairs pour diriger le royaume. On oublie trop souvent que la monarchie française a longtemps été élective.
    Les magistrats contrariaient la politique du roi pour le déstabiliser. Les nobles ont toujours voulu prendre la place du roi, être calife à la place du calife. C'est l'histoire de la Fronde.
    En disant ça, on comprend pourquoi la monarchie s'est effondrée. En fait, la seule question à se poser c'est : Comment la monarchie française a-t-elle pu subsister aussi longtemps avant de se casser la gueule ?
    Y a pas besoin de faire intervenir un complot des encyclopédistes pour expliquer les raisons de cette chute.

    Concernant Voltaire, j'ai du mal à comprendre pourquoi elle est partie en croisade contre lui. Tout ce qu'elle dit de lui n'est pas foncièrement faux mais.....

    Voltaire pouvait parfois - comme tout être humain mal luné ou excédé, fatigué, consterné, affligé, etc. - se montrer odieux, tous ses biographes s'accordent sur ce point. Le problème, c'est qu'on étudie pas un homme pour ses seules qualités morales réelles ou supposées ...
    Mais pour ce qu'il a fait !

    Et l’œuvre de Voltaire en fait vraiment une des personnalités les plus remarquables de tout le 18ème siècle, et ce à l'échelle mondiale !!!

    Il a vraiment œuvré pour la raison et a défendu la tolérance religieuse (car il faut comprendre que quand Voltaire parlait de tolérance, il faisait référence à la religion).
    C'est lui a popularisé le concept du relativisme culturel (ce que Montesquieu avait déjà entrepris dans ses "Lettres persanes").

    On ne va pas subitement mettre "Candide" à la poubelle parce que tel ou tel historien aurait découvert sur le tard que Voltaire pouvait parfois se montrer désagréable et vindicatif. Si on ne devait étudier (en histoire comme en lettres) que les hommes d'une moralité à toute épreuve, les programmes seraient totalement et désespérément vides.

    Et puis, "Les Lumières", ce n'est pas juste la France, c'est un courant qui touche toute l'Europe Occidentale. On a coutume de dire que les Lumières incarnent un courant philosophique, et ce n'est pas pour rien, car tout vient de philosophes comme Locke, Bayle. Les découvertes de Newton ont joué un rôle immense dans le développement de ce courant (ces trois noms que je viens de citer ont d'ailleurs influencé Voltaire dès son voyage en Angleterre, il en parle dans son petit ouvrage "Le philosophe ignorant").

    RépondreSupprimer
  2. ... Pour ceux qui s'intéressent à l'émergence et à la propagation des idées des Lumières, il faut lire des livres spécialisés, car la somme d'informations est colossale.
    On peux commencer à regarder par exemple le documentaire "Le siècle des Lumières" qu'on trouve encore sur Youtube, c'est pas exhaustif mais ça reste une base.

    En attendant, je peux dire que le libéralisme économique que dénonce Marion Sigaut dans ses conférences ne s'est greffé au courant que bien plus tard, et ce libéralisme était motivé par une raison simple : la montée de la petite bourgeoisie aux dépens de l'aristocratie.
    (Le libéralisme n'a pas été inventé par Diderot, n'en déplaise à Sigaut.)

    La première expérience libérale a été introduite par John Law sous la Régence, c'est lui qui a inventé le billet de banque et l'actionnariat (il a aussi plongé la France dans un pétrin sans nom car son système a ruiné beaucoup de monde).
    Le libéralisme économique a fait beaucoup de mal, mais, plutôt qu'un complot des méchants capitalistes soutenus par l'Encyclopédie dans le seul but de faire le mal, j'ai tendance à penser qu'on ne peut pas faire d'omelette sans casser des œufs.
    Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la société était ordonnée selon une hiérarchie très stricte. On ne pouvait pas changer de "classe sociale", la naissance prédestinait les gens à un rôle duquel ils ne pouvaient plus s'extirper.
    Au 18ème siècle, bon nombre de bourgeois étaient plus riches que la petite aristocratie mais ils avaient moins de droits que ces derniers alors que leur fortune reposait sur leur travail. Ce qui s'est passé c'est que la bourgeoisie (principalement la finance) a voulu casser ces codes. Ils ont joué aux apprentis sorciers avec l'économie.

    Pour résumer, je dirais que Marion Sigaut ignore encore énormément de choses et son discours est basé sur de trop nombreuses approximations.
    C'est facile de s'embrouiller les idées en ne se focalisant que sur une partie de la vérité et en occultant soigneusement le reste.
    C'est encore plus facile quand on se concentre sur un aspect particulier (en l’occurrence le courant des Lumières) d'une période précise de l'histoire (le 18ème siècle).

    Avant d'écouter Marion Sigaut, il faut déjà connaître le 18ème siècle, ne serait-ce qu'un minimum car ça permet de resituer les choses dont elle nous parle dans leur contexte, et là on voit que ça ne tient pas la route.

    D'une manière générale, il faut se méfier des gens qui viennent vous apprendre des trucs incroyables sur une période aussi étudiée que le 18ème siècle en France....

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  3. Pour en revenir à ce cher Voltaire :
    Oui, bon, certes ses propos n'étaient pas toujours politiquement corrects, mais parfois c'est ne pas y voir l'ironie que de les prendre avec un sérieux !
    - Par exemple ceux sur la religion :
    « Vous prétendez que vos mères n’ont pas couché avec des boucs, ni vos pères avec des chèvres. Mais dites-moi, Messieurs, pourquoi vous êtes le seul peuple de la terre à qui les lois aient jamais fait une pareille défense ? Un législateur se serait-il jamais avisé de promulguer cette loi bizarre, si le délit n’avait pas été commun ? »...

    Bien que largement moins attaqués que les juifs, les mahométans ne sont pas en reste : « Il faut que tous les musulmans soient naturellement bien malpropres, puisque Dieu a été obligé de leur ordonner de se laver cinq fois par jour »...

    ==> Pourquoi vouloir y voir absolument un précurseur de l'antisémitisme et de l'islamophobie, alors qu'il ne s'agit que d'une dérision acerbe de lois religieuses qu'il trouvait absurde ?
    (De l'ironie, du second degré,.... Comme le faisait par exemple bien plus récemment sur FB l'inénarrable PCDE :D )

    (Marion comme bien d'autres "Anti-Voltaire" tentent en réalité - plus ou moins inconsciemment - de tirer les propos de ce grand philosophe vers leur propre thèse, en faisant abstraction d'une ironie pourtant caractéristique de Voltaire !)

    Il est vrai que Voltaire est un homme à multiples facettes mais les critiques exprimées dans la quasi majorité des diatribes contre lui ne tiennent pas compte du contexte !
    (Eh oui, le contexte.... C'est souvent le contexte :) )

    Pour expliquer le prétendu antisémitisme de Voltaire il faut tenir compte de quelques éléments... notamment son désir de lutter contre les religions révélées (son analyse de la façon dont on comprend la bible, à l'époque, est particulièrement mordante) et le fanatisme qui en découle.
    Ce fanatisme lui fait horreur également dans la "populace", toujours prête aux débordements.

    Sa position de doute au début de l'affaire Callas - et dont certains "historiens" de nos jours osent lui en faire procès (!) - est celle d'un enquêteur honnête qui n'hésitera pas d'ailleurs à prendre partie lorsqu'il sera en possession d'éléments de preuve...



    Voltaire est un auteur complexe, à facettes multiples, fourmillant d'idées, que l'on ne peut juger sans une solide connaissance de ses œuvres, de la société de son temps, et, en ce qui concerne la tolérance, du système judiciaire de l'époque.

    Un véritable historien ne se contente pas de quelques citations hors contexte interprétées de façon partiale... Attention à ne pas jauger voltaire à l'aune de notre politiquement correct d'aujourd'hui, qui ne sera probablement pas celui de ceux qui nous jugerons d'ici quelques décennies, ou siècles ......


    En bref, pour résumer tout ça :
    - Voltaire, malgré tous ses défauts, demeure le phare de notre société.
    Lire et relire par exemple "La prière à Dieu" (chapitre XXIII du traité de la tolérance), l'un de ses plus beaux textes, qui demeure si actuel dans notre monde tourmenté !

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